Eric DICHARRY
L’ethnologie, armée de ses méthodes, peut jeter un regard décapant sur bien des aspects vifs de nos sociétés. (Bromberger, 2014)
J’ai toujours eu une admiration sans failles pour les hypermnnésiques capables de se remémorer et de porter en eux toute une bibliothèque. A l’inverse mon hypomnésie relative implique un recours à l’écrit, aux citations, à une course infinie en quête d’une mémoire qui ne cesse de se dérober. Ce texte est le rendu fidèle de pérégrinations dans un champ polysémique nommé culture. Tiraillé par deux extrêmes nommés singularité et universalité, il s’inscrit et s’écrit dans un style, c’est-à-dire dans la cohérence d’un parcours. L’écriture varie mais le style reste. Les mots qui suivent sont extraits d’une voix qui insiste. Expression d’une “absence à soi-même” (Darrieussecq, 2001) prise dans une cadence qui tente de donner un sens plus pur, par entendement oblique et à retardement, aux mots de la (ma) communauté. J’espère que ce voyage dans le champ de la culture permettra aux lecteurs de mieux cerner cette notion riche et sans cesse en perpétuelle redéfinition.
Une hostilité politique mal politisée couplée aux conséquences d’une frustration de non reconnaissance s’abreuvent toujours dans le sang et les larmes des victimes de l’action directe. La crise du vivre-ensemble est symptôme du dysfonctionnement de la démocratie. La culture, “dernier recours”, est appelée au secours pour venir panser les plaies laissées à la fois par les inégalités économiques qui perdurent et se creusent et par l’incapacité de la politique à infléchir le cours des choses. A un moment où s’exprime une crise plurielle, politique, esthétique et éthique attribuée à la débâcle de l’idéologie, il serait logique d’observer un regain de critique conformément au principe selon lequel la crise est censée engendrer la critique. Mais c’est l’inverse qui se produit. La critique de la culture est plus que jamais au service des institutions, un médium qui sert le maintien des valeurs du passé, incite à la commémoration et à la sacralisation des artistes et de leurs ?uvres. La contestation, la controverse, la remise en cause ont été remplacées par l’assentiment, l’acceptation, le consensus massif, généralisé et oppresseur. La critique de la culture se résume trop souvent à un simple travail apologétique, à un discours qui renonce à toute réflexion analytique ou contestataire. La critique promotionnelle constitue une manière de faire superficielle et confuse qui permet à la culture d’être accessible sous une forme astucieuse. Elle constitue l’aboutissement d’un manque d’approfondissement de la pensée. Plus objet de croyance qu’objet de la pensée, elle ne s’interroge que rarement sur ses propres présupposés. La culture extraite de la critique est perçue sous l’angle d’une croyance collective, anonyme, homogénéisée, véritable contemplation virtuelle et passive.
Le chercheur en sciences sociales se doit de questionner les occurrences des productions artistiques et culturelles au sein de la constitution historique de la culture afin d’offrir au public une analyse qui pourra lui permettre d’avoir une conscience claire de ce qui lui est proposé. Dans cette quête du sens, le contexte de production de la culture et des ?uvres se doit d’être critiqué et accompagné par une identification fine de ses particularités. Les productions de la culture ne peuvent échapper à un examen critique minutieux qui s’ancre dans une compréhension historique articulé aux différents champs d’implication de la culture : politique, social, économique, institutionnel. La société où opèrent les acteurs de la culture se doit d’être abordée dans toute sa complexité. La critique de la culture ne saurait s’émanciper en dehors de l’expérience sociale et politique car appréhender la culture c’est concevoir idéologiquement un territoire. Culture et politique sont les deux faces d’une même pièce. La culture est un élément constitutif du tissu social à un moment historique donné. Toute critique de la culture se doit de penser la culture comme un processus social et de communication qui inclut dans le phénomène culturel les commanditaires éventuels, le créatif, l’?uvre, les diffuseurs et le public.
La culture est un élément constitutif du tissu social à un moment historique donné.
Dans une société où l’information de masse règne, le devoir du chercheur est d’échapper au vertige de la réalité pour accéder au réel, au contenu des messages, aux signifiés des signes afin de permettre au public de s’investir dans une responsabilité engagée. Hésiter face à toute certitude établie et “critiquer les critiques” telle devrait être sa double devise. En mémoire il se doit de conserver l’idée précieuse selon laquelle les multiples tendances de la culture ne sauraient garder le même sens en raison des contingences historiques de leur trajectoire et de leurs analyses. En effet, nous rappelle Genette, le goût change en tous sens, avec des moments de rejet, d’oubli ou de redécouverte qu’on aurait eu quelque peine à prévoir une ou deux décennies plus tôt. Le critique de la culture ; à la différence du politique, du galeriste ou de l’institutionnel ; n’a que faire ni de son goût marchand ni de ses résultats de marché si ce n’est dans ce qu’ils révèlent de subordination d’une logique artistique et culturelle à une logique économique. L’anthropologue critique n’est pas un constructeur de mythe mais un décrypteur mythologue par nature sceptique. Sa charge : approfondir à la fois la signification des productions culturelles et artistiques, les stratégies des créateurs et les stratégies institutionnelles dans le champ de la culture lui-même articulé à d’autres champs, politiques, économiques, sociaux. Sa problématique : de quelle manière la culture basque se structure elle-même dans sa conjoncture particulière avec ce qui lui est extérieur ? Comment formuler une anthropologie capable de critiquer les méandres d’une stratégie institutionnelle de promotion culturelle de plus en plus soumise à des impératifs économiques, touristiques et marchands ? Que nous révèlent les relations entre institutions de la culture et pouvoir ? Une culture qui ne peut assumer sa fonction sociale n’est-elle pas condamnée à rester au service des couches dominantes, c’est-à-dire de ceux qui détiennent le pouvoir économique et, par conséquent politique ? Son éthique : discussions et réflexions pour faire avancer le savoir contre toutes les autolégitimations. Son objet d’analyse : l’écologie de la culture et des processus créatifs. L’art conçu comme un champ qui s’inscrit dans l’espace socio-historique de la culture. Sa légitimité : la pertinence de l’activité anthropologique dans le contexte social contemporain, qu’elle soit universitaire ou indépendante, qui renvoie aux questionnements et à la crise des valeurs de la société occidentale. La citation durable : sans inquiétude intellectuelle il n’y a pas de travail qui puisse se développer dans le domaine du culturel. Le risque : la stase (stasis), le cloisonnement et l’homogénéisation des attitudes face à la culture, produisant le contraire de l’effet souhaité, qui est selon Carroll, d’offrir les conditions vraies de la mise en ?uvre de discours fondés.
L’expérience moderne, au-delà de la diffusion massive du produit culturel et de la quasi saturation culturelle, traduit un manque de rencontre avec soi-même, une perte de la faculté d’échanger nos expériences. Le vide croissant rend de plus en plus difficile l’assimilation des évènements extérieurs à l’expérience personnelle et les médias se contentent de plus en plus de présenter les évènements de telle sorte qu’ils ne puissent pas pénétrer dans le domaine où ils concerneraient l’expérience du lecteur. La culture du XXIème siècle est étouffée par une communication opprimante qu’évoquait déjà Benjamin en 1939. L’individu a perdu le sens de l’appréhension significative du monde, conséquence de la transmission médiatisée des évènements, objets et faits, les espaces de contestation et le langage ouvert au débat ayant été éclipsés au milieu de la sphère publique.
L’organisation de la capitale européenne de la culture Saint Sébastien 2016 s’inscrit dans ce contexte. La culture est appelée à l’aide pour venir réinsuffler du lien social dans une société fracturée par plus de cinq décennies de conflit où les actions violentes ont laissé des traces au sein d’une population encore psychologiquement marquée. Dans ces circonstances, demander à la culture d’agir, de se rendre utile et efficace ne va-t-il pas venir mettre à mal une autonomie de l’art et de la culture conquise dès le XVIIIème siècle avec sa délimitation de sphères et de territoires qui revendiquaient leur émancipation ? Quelles conséquences l’injonction utilitariste aura-t-elle sur les artistes qui s’étaient retirés dans une sphère artistique fétichisée considérée comme distincte du monde commun des mortels ? A quels niveaux la translation de la figure du génie à celle de simple humain entravera-t-elle la liberté des créateurs ? Considérer désormais que l’?uvre utile est plus importante que l’homme génie créateur n’engendrera-t-elle pas une véritable révolution à l’endroit des consciences bourgeoises ? Comment l’utilitarisme s’accommodera-t-il d’un fétichisme de l’artiste et de ses créations à l’?uvre dans le monde de l’art contemporain ?
Le projet de Capitale est géré par la Fondation Donostia San Sebastián 2016 qui se compose de la mairie de Saint Sébastien (Bildu), de la Diputación de Gipuzkoa (Bildu), du Gouvernement basque (PNV) et du Ministère de la Culture du Gouvernement espagnol (PP), membres dont les tendances politiques, comme l’historique de leurs relations, ne sont pas pour simplifier le déroulement du projet. Le projet en chantier révèle des recrutements, des nominations mais aussi des démissions à des postes importants comme ceux de la direction générale de DSS2016EU ou de la direction du projet culturel. Les tentatives de redéfinitions de la culture et les enjeux de lutte symbolique permettent d’expliquer ces démissions.
Saint Sébastien 2016 : capitale européenne de la culture.
Chaque tendance politique intégrée au projet culturel tente, en plaçant ses “protégés” à des postes stratégiques, de favoriser sa propre conception de la société basque et au-delà sa propre conception de la culture. Pour les proches du Gouvernement, la culture se doit d’incarner la paix et la coexistence. Mais cette paix n’est pas sans contrepartie. Elle doit s’accompagner d’une lecture critique du passé de violence, de “pardons”, d’une reconnaissance des dommages causés aux victimes de la part de ceux qui étaient hier partie prenante dans le conflit armé qui a duré près de cinq décennies. C’est la position que défend le Président de la Communauté Autonome Basque, Iñigo Urkullu, membre du Parti Nationaliste Basque (PNV) qui par communiqué de presse spécifie que les prisonniers politiques de l’ETA doivent demander pardon aux victimes. Cette position va dans le sens d’un plan plus large pour la paix, le “plan de Paz y Convivencia 2013-16” qui cherche à réunir les quatre forces politiques basques majeures dans la consolidation de la fin de la violence et de la construction de la coexistence pacifique.
“Las claves expuestas por Iñigo Urkullu se recogen en tres “microacuerdos” que han sido registrado ya en el Parlamento Vasco para lograr la adhesión de PNV, EH Bildu, PSE y PP a un consenso de mínimos. Las bases consisten en una lectura crítica del pasado de violencia y el “reconocimiento del daño causado” a las víctimas; la necesidad de “no reescribir una historia justificadora de la violencia” ni “que el fin de la violencia de ETA suponga pasar página”; y adaptar la política penitenciaria “a la nueva realidad social” de ausencia de terrorismo, respetando la competencia de Madrid en la materia. En este punto, el documento recoge un plan de reinserción para aquellos presos se acojan a un “compromiso por la consolidación de la paz y la convivencia”. Los microacuerdos recogen otros compromisos en favor de la memoria y reparación de las víctimas o la investigación y comprobación de las denuncias de torturas para poder actuar.”
Le Monsieur Paix du Gouvernement basque Jonan Fernandez va encore au-delà de cette position qui consiste à demander aux militants de la gauche nationaliste radicale de reconnaitre le mal qu’ils ont pu faire.
“(...) beste norbaitek ere modu kolektiboan iraganaren autokritika egin beharko luke, bestela ez da bidezkoa. Eragindako mina aitortzea ez da nahikoa, hori da esatea zaplaztekoa eman dizut eta aitortzen dut hori, baina horrek ez du balorerik.” (Fernandez, 2014ko martxoaren 30a)
Ce qu’il souhaite c’est une véritable autocritique.
“850 hildako eragin ditu ETAk eta legea betetzeko eta gizartean sinesgarritasuna izateko, iraganean egindakoa zentzu autokritikoz aztertu behar da. Bestela ez du balio. Biktimei eragindako mina ez dela justua izan aitortzea oinarrizkoa da. Ezker abertzaleari hori egokia iruditzen ez bazaio, beste formularen bat bilatu beharko da, baina autokritikaren zentzua galdu gabe.” (Fernandez, 2014ko martxoaren 30a)
Autocritique, à envisager sur fond de droits de l’homme, qui n’est pas à l’ordre du jour chez certains militants politiques car une telle autocritique consisterait à renier la stratégie de lutte qu’ils ont mené pendant plus de cinq décennies et pour lesquels ils ont du consentir de nombreux sacrifices allant jusqu’à la mort de certains d’entre eux. Pour la pensée marxiste, l’histoire est celle d’un progrès et d’une libération sociale et l’avenir devrait achever cette libération. Sur cet échiquier de la définition de la paix et de la redéfinition de la culture des limites sont encore à l’ordre du jour pour accéder aux positions défendues par Jonan Fernandez. C’est ce que laisse présager la position d’un ancien militant de l’ETA Emilio Lopez Adan (Beltza) publié dans l’hebdomadaire Argia pour qui la lutte armée possède toujours de manière intrinsèque des valeurs révolutionnaires.
“(...) gure garaietako oinarrizko arazoa biolentzia iraultzailearen zilegitasuna dela. Estatuek eta klase nagusiek argi eta garbi utzi nahi dute inongo garaietan, inongo baldintzetan, boterearen aurka ezin daitekeela bortizkeria erabili. ETAk eta ETAren ingurukoek doktrina hori onartuko balute, erabateko garaipena izanen zen Estatu eta klase nagusientzat. (...) Beraz, ez dut armak uzteko erabakia kritikatuko eta ETAk eramaten duen urrats ttipien estrategian ez naiz sartuko. Ziklo armatuari bukaera eman behar zitzaion, ETAren gain zegoen erabakia, hartu egin du eta militante politikoen nonbaiteko ezagutzarekin lotu nahi du, den mendrena izanik ere. Baina aukera armatuan ziren balore iraultzaile (eta humanista!) guztiak gogoratzeko ikerketa, kontakizun eta ulertze lanetan jarraitzeko beharra azpimarratu nahi nuke, gaurko pentsaera kritikoa mantentzeko haien beharra dugulako eta, bihar, erabilpen estrategikoa ere izan dezaketelako.” (Emilio Lopez Adan, Argia, 2405).
Certains militants politiques incarcérés se sont laissé séduire par l’idée de repentance en suivant la voie nommée : vía Nanclares. Mais cette ligne est loin de satisfaire tous les militants politiques. En effet demandé pardon et au-delà réaliser une autocritique ce serait reconnaitre que la ligne radicale armée suivie pendant le conflit n’était pas la bonne ce qui serait pour ces militants faire table rase de décennies de lutte pour un idéal qu’il souhaitent bien réorienter à des fins de stratégie politique mais en aucun cas renier. D’où les tensions perceptibles dans l’élaboration même d’une définition de ce que serait une nouvelle culture post conflit armé en lien avec une culture de la paix. Cette culture de la paix ne revêt donc pas une définition commune en fonction de la position des acteurs sur l’échiquier politique et idéologique. Les points de désaccord relèvent d’une lecture critique du passé et d’une possible récupération politique de la mémoire.
Les capitales européennes de la culture se déploient dans un contexte global de réactions culturelles marqué par une certaine ambiguïté.
Le rôle des intellectuels est de préciser et de souligner les “abus de la mémoire” (Terray, 2006). Notre époque est marquée par la prolifération des victimes, ou du moins des personnes qui se disent telles. Les discours doloristes se répandent dans nos sociétés et tentent d’instaurer une nouvelle police de la pensée. “Attention à ceux qui n’obéissent pas aux exigences des porteurs de mémoires blessées” prévient Terray. Ils s’exposent à leur vindicte, et de plus en plus à des procès, qui ne sont pas simplement d’intention. Comme si le système judiciaire pouvait se substituer au travail des historiens. Face à ces abus de mémoire, à la surenchère des différents groupes qui tentent de faire prévaloir leur statut de victime, il s’agît de préserver la liberté de pensée. Là où des lois viennent empiéter sur le métier des historiens et où la libre controverse semble de plus en plus encerclée, Emmanuel Terray plaide avec vigueur pour les vertus de l’amnistie. L’édit de Nantes n’est-il pas un exemple magistral d’amnistie, qui a mis fin à quarante années de déchirements et de massacres, et a donné à la France quatre-vingt-cinq ans de concorde religieuse ? Au lieu de céder à la célébration du passé et à la tentation de s’enfermer dans ses impasses, son livre est une invitation à ouvrir bien grands les yeux sur le monde actuel. “Tes victimes ont droit à toute ma compassion, mais c’est aux combattants que va mon admiration” précise Terray.
Les capitales européennes de la culture se déploient dans un contexte global de réactions culturelles marqué par une certaine ambiguïté. Tout se passe comme si, en l’absence d’extérieur et d’altérité radicale, en ce début de troisième millénaire où l’exploration de la planète humaine est achevée, les différentes cultures nationales se ressourçaient de l’intérieur, en redécouvrant les traditions que les idéologies nationales du siècle précédent avaient gommées. On redécouvre les régions, les minorités, les terroirs. Pour intéressante qu’elle soit, cette réaction correspond nécessairement à “un repli sur l’ethnie, sur le territoire et le chez-soi qui est à l’opposé des idéaux de mélange, de citoyenneté et d’individualité qui prolongeaient l’idéologie des Lumières...” (Augé, 2001, 306) Le monde dans la version qu’en proposent les anthropologues américains du courant dit “post-moderne” renvoie à une globalisation éclatée où se déploie une multiplicité de revendications culturelles originales. Un patchwork dont chaque morceau est occupé par une ethnie ou un groupe particulier. L’anthropologie post-moderne souligne la diversité revendiquée du monde mais ce serait sans doute une “illusion de voir dans ces revendications multiples la source, l’expression et la promesse d’échanges à venir et par là d’un renouveau prochain des cultures du monde”. (Augé, 2001, 306) La globalisation économique et technologique s’accommode fort bien des particularismes culturels pour autant qu’ils n’affectent pas le domaine de la consommation et la règle du marché. Et c’est bien dans ce bipôle néolibéral et pluriculturel que se développent les capitales européennes. Le respect des différences culturelles n’est validé et subventionné, que si et seulement si il ne vient pas interférer dans une logique de développement économique qui vise la croissance, l’emploi, les infrastructures, le marché, la consommation. Le respect des différences fait partie du “prêt-à-penser politique qui oscille entre évidence, pléonasme et mensonge”. (Augé, 2001, 306) Dans un monde chaque jour plus inégal et plus uniforme, l’anthropologue de la culture se doit de tenir compte d’un obstacle majeur : le fossé, l’abîme qui s’élargit tous les jours entre les plus riches et les plus pauvres, entre ceux qui ont accès à la culture et ceux qui ne l’ont pas. Interroger une capitale européenne, c’est aussi interroger cette réalité et se demander si la politique culturelle mise en place participe d’une réelle démocratisation culturelle en permettant aux plus démunis d’accéder aux actions culturelles programmées. L’avenir de la culture dépendra à la fois d’un effort d’éducation qui reste à accomplir et des revendications culturelles locales.
Le repli sur l’ethnie, sur la communauté, sur le territoire et le chez-soi n’est qu’un préambule aux idéaux de mélange, de citoyenneté et d’individualité. Une phase de consolidation avant ouverture à l’altérité et au monde. L’accès à l’universalité est à ce prix. Seuls ceux qui seront sûrs de leur singularité pourront y accéder. Toute revendication particulière, quelle soit linguistique et/ou culturelle, toute affirmation d’une culture et d’une histoire propre constitue la phase de consolidation nécessaire pour affronter sereinement la phase d’échange et de mélange qu’implique toute mondialisation, globalisation. Un enracinement réussi est gage de paix, d’échange et de partage. La frustration au contraire engendre violence, haine et vengeance. La reconnaissance de l’altérité ne saurait être univoque. Elle implique un dialogisme qui indique à chacun sa place dans l’autre. L’autre ne saurait advenir autre sans une conscience de soi qui passe par une acquisition des racines. L’addition est l’atout majeur de la culture. Il n’existe aucune modernité sans tradition. Le passé enfante le présent et permet de se projeter dans l’avenir. Reconnaître l’autre dans sa différence, c’est lui permettre de nous reconnaître autre. Partager cette capacité à se reconnaître autre, c’est initier un langage commun, une unité dans la diversité, un point commun dans l’altérité. Partager une même reconnaissance de la différence, c’est initier un dialogue.
AUGE, M., (2001) “Culture et déplacement”, Qu’est-ce que la culture ? (dir) Yves Michaud, Odile Jacob, p. 299-309.
BROMBERGER, C., (2014) “Le patrimoine immatériel, entre ambiguïtés et overdose”, L’Homme, 2014/1 - n? 209, p.143-151.
DARRIEUSSECQ, M., (2001) “Qu’est-ce que le style ?”, Qu’est-ce que la culture ? (dir) Yves Michaud, Odile Jacob, p. 810-819.
FERNANDEZ, J., (2014) “Biktimei eragindako mina ez dela justua izan aitortzea oinarrizkoa da” in Argia, 2014ko martxoaren 30a, 2.409 zenbakia.
LOPEZ-ADAN, E. (2014) “Xake-matea taulak ematen du” in Argia, 2405. Alea, 2014-03-02.
TERRAY, E., (2006) Face aux abus de mémoire. Arles, Actes Sud.
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